26 novembre 2005

La vie suspendue à un fil

Jeudi alors que j'étais en ville et que je me dirigeais vers l'aéroport pour prendre mon avion de retour, j'ai reçu un coup de téléphone qui m'annonçait une bien triste nouvelle.
L'avionnette dans laquelle voyageait le propriétaire de l'hôtel de l'île s'était écrasée le matin même contre une colline. A bord de l'avion il y avait donc Carlos, accompagnée de sa jeune avocate, d'un docteur, ainsi que le pilote et le co-pilote. Cinq personnes dont trois que je connaissais, disparaissaient soudain.
En ce moment j'échange quelques mails avec un autre bloggueur et nous parlons de sujets qui nous préoccupent tous, l'amour, l'amitié, la fidélité, des valeurs que chacun de nous avons et qui font parties de notre vie.
Je lis aussi assez souvent les blogs de part et d'autres de la blogsphère et je retrouve les petits moments de tristesse, de joie, d'inquiétude, de ceux qui mettent en ligne.
Ce matin je m'interroge sur la vie. Je me remémore des souvenirs d'événements que j'ai vécus, et je plonge aussi par moment dans mes préoccupations du moment.
J'ai la sensation que tout ce mélange dans ma tête, comme si un écheveau emmêlé de pensés se présentait devant mes yeux et m'invitait à dénouer ses nœuds.

Je constate souvent que nous les êtres humains sommes forts et fragiles à la fois. Il suffit d'un petit rien parfois pour que la vie soit belle, et d'un autre petit rien pour qu'elle devienne angoissante ou triste.
Sommes nous tous forgés pour nous sentir en pleine vigueur à un moment et si fragile à un autre ?
Quelle que fut l'histoire de notre enfance nous en gardons tous des marques que je dirais presque indélébiles, et ce sont ces marques qui nous guident plus tard vers nos forces ou nos fragilités.
Ce qui vient à mon esprit en priorité c'est que la vie est suspendue à un fil. Aujourd'hui nous sommes là, je peux même dire à l'instant nous sommes là et n'avons aucune certitude sur la durée de cette vie.
J'ai toujours pensé de cette manière, essayant de mener ma vie comme si j'allais mourir demain. Cette manière de fonctionner je l'applique dans chacune de mes décisions importantes, j'essaye au maximum de profiter du moment présent, j'essaye de faire en sorte de vivre le moins possible en conflit avec moi-même et les autres, au cas où je ne serai plus là pour pouvoir "réparer" mes erreurs. Bien entendu cela ne m'empêche pas de commettre des erreurs, ce que je veux dire par là c'est que je n'aime pas rester sur une discussion ou un sentiment désagréable par exemple. J'aime faire ce que je peux faire pour moi ou pour les autres dans l'instant sans le remettre au lendemain, ce lendemain étant par définition "incertain".
Alors pourquoi comme les autres personnes, certaines pensées viennent déranger ma vie.
Simplement parce que nous avons tous appris à vivre en société, avec ses règles et ses balises.Ce sont souvent ses règles et ses balises qui font que nous nous sentons mal, torturés, déboussolés. Parce qu'en fait c'est souvent quand on souhaite transgresser ses règles que notre bonne conscience vient nous dire que c'est mal. Et voilà que soudain le conflit intérieur vient nous bouffer notre joie de vivre et nous plonger dans les labyrinthes des questions.
Jeudi matin Carlos pris son avion, ironie du sort, il se rendait à l'enterrement d'un jeune garçon mort trop tôt d'une leucémie. Il n'a pu assister à cet enterrement parce que l'avionnette n'a jamais atterrie. Carlos était très riche, marié, il avait des enfants, tout pour être heureux.
J'espère de tout mon cœur qu'il a su profiter de la vie, qu'il n'a pas laissé le stress de ses affaires professionnelles lui manger les moments de bonheur qu'il pouvait partager avec sa famille ou ses amis. J'ai également une pensée pour cette jeune avocate, elle avait vingt neuf ans et était enceinte, elle avait…la vie de elle…
Ce sont toujours des nouvelles comme celle-ci qui me font prendre du recul, et me dire que même si je passe par des étapes difficiles, ces étapes font parties de mon passage sur cette terre et qu'au bout du compte elles font mon histoire, elles m'aident aussi à progresser et relativiser mes problèmes, mes angoisses. C'est quand la mort nous touche de près que nous prenons conscience combien parfois on s'enlise trop profondément dans des questions métaphysiques. Franchissons les balises, vivons nos rêves, bousculons les idées préconçues, tout au plus ça fera jaser les autres, mais ils changeront vite de sujet de conversation et nous pourrons jouir de "notre vie." Ce sont nos petites révolutions, qui contribuent à faire évoluer les esprits.