11 novembre 2005

Kouros.

C'est la sonnerie du téléphone qui m'a réveillée ce matin. Quel plus beau réveil puis-je avoir que d'entendre le son de sa voix. Je sais que je lui manque, il me manque aussi et il le sait.
Cinq jours que nous sommes loin l'un de l'autre, nous ne nous y habituons pas. De son côté il essaye de ne pas plonger dans la déprime, il je crois beaucoup plus de mal que moi à ne pas se décourager. Je meuble mes heures en pensant à nos moments vécus, mais aussi à notre projet. Hier j'ai parlé à Jeanne, nous avons évoqué pour la énième fois sa traversée de l'atlantique sur Kouros. Kouros, ce voilier qui dans quelques jours sera notre, cette coque d'aluminium qui abritera notre amour pour un temps.
Hier en arrivant sur l'île je suis passée par le chemin de la "playa ejecutiva", je l'ai vu, là face à moi, j'ai aussitôt été transporté dans le futur. Il est la, à se balancer nonchalant, bercé par le mouvement de l'eau.
Il n'est fait que de quelques tôles soudées, de quelques morceaux d'orme qui agrémentent son intérieur, de quelques morceaux de toile qui forment ses voiles ou décorent ses coussins, mais il est aussi plein d'aventures. Je le vois vivant, en attente de nous. Bientôt j'aurai la chance de monter à bord. Jeanne ira le vider des affaires personnelles qui lui appartiennent, j'irai l'aider. Ensuite je lui ferai une beauté. Je vais le remplir d'amour, de rêves.
Cette coquille de noix sera notre bulle.
L'absence de P. me torture. Ce rêve me rempli. C'est à ce dernier que je m'accroche, je puise en lui la patience qui me faut pour survivre au manque de P.
Le soleil est déjà chaud, mais un peu pâle il donne à l'île cette luminosité feutrée. Tout à l'heure je descendrai sur la plage, je vais rester là, face à lui, je vais le regarder en pensant à P, à nous. Je fais mille projets de rénovation, je cherche déjà la couleur que je choisirai pour les tissus, les rideaux. Je le veux beau, accueillant.
Je m'interdis d'avoir des pensées mélancoliques, je puise au fond de moi, dans les réserves que j'ai faite de P, l'illusion de son contact qui me manque. Si je ferme les yeux très fort je peux presque le sentir. Heureusement que j'ai cette faculté de pouvoir me persuader quelques brèves minutes, qu'il est là, à mes cotés. Je lui parle, je l'entends, je le touche, je le sens.
Bien sur quand j'ouvre les yeux, c'est le vide, le rien. Alors je me dis que bientôt… bientôt, oui c'est loin ce bientôt, mais j'y crois. Je tiens bon.